lundi 21 novembre 2011

Monsieur Mélenchon

Cher Monsieur Mélenchon,
Je vous écoute et vous lis toujours attentivement. Dernièrement j’ai parcouru votre « petit courrier du blog n°59 », et hier Lundi 14 Novembre je vous ai écouté répondre à J.J. Bourdin. J’ai à peu près retrouvé dans ce dernier dialogue une phrase de votre blog : « le Traité de Lisbonne rend l’Europe impuissante face aux crises financières », phrase que vous illustrez par l’énoncé de cinq interdictions, sans doute pour expliquer qu’il ne s’agit pas de votre part d’une simple pétition de principe. Vous avez évidemment raison.
Puis-je, cependant, me permettre une suggestion :
La phrase que j’ai citée me paraît lapidaire dans la mesure où n’apparaît pas le lien entre le Traité et la toute puissance de la finance. Oui, je sais, il y a bien vos cinq interdictions. Mais ce ne sont que les déclinaisons secondaires de ce dogme que vous connaissez mieux que moi, qui figurait en toutes lettres dans feu le Traité Constitutionnel, et qui a été repêché et dissimulé dans le Traité de Lisbonne : "l’Union offre à ses ressortissants un marché unique où la concurrence est libre et non faussée".
La formule a d’abord trompé. Dans un premier temps, partant de l’idée que tout ce qui est faussé est détestable, on a pu adhérer. Mais après réflexion le piège a été éventé et il est apparu qu’une concurrence non faussée annonçait un marché que les pouvoirs publics ne régulaient plus, une spéculation affranchie du contrôle de l’Etat, et en bref la suprématie du financier sur le politique. Vous savez si bien ces choses et vous les avez tellement intégrées que vous n’en parlez plus, persuadé que vos auditoires ou votre lectorat en ont la même conscience que vous. Et je vous écris pour vous dire que ce n’est pas le cas. Je me souviens qu’en 2005, pendant la campagne du referendum, j’essayais d’expliquer cela auprès de gens qui, pour la plupart avaient au moins la même culture que moi, mais qui n’avaient pas lu le projet de traité, et qui par conséquent me traitaient gentiment de songeur exalté.
C’est vous dire qu’encore aujourd’hui, le peuple a besoin d’explication. Il lui faut comprendre qu’il n’a rien à attendre d’une classe politique qui s’accommode de cette Europe et qui bâtit ses programmes pour complaire aux banquiers, ou au moins pour ne pas les indisposer. Il faut que, quand ce peuple voit que de prétendus technocrates, en réalité agents du système financier international, font et défont les gouvernements des Etats en dehors de lui et même contre lui, il faut qu’il sache que ceci est inéluctable et le restera tant que personne n’osera ou ne pourra mettre en pièces ce traité désastreux.
Je ne vous apprends rien et vous dites déjà mieux que moi presque tout cela. Mais je crois qu’il manque à votre raisonnement, qui est d’une parfaite logique, ce petit rien qui ferait le lien, dans l’esprit des gens entre quelques idées simples. Vous sauriez, ce faisant, vous garder de toute condescendance car vous savez parler au peuple.
Notez aussi que le dogme ne régente pas seulement l’économie, mais qu’il est de portée universelle : par exemple il peut même s’opposer à l’exercice des droits fondamentaux. En effet le projet de traité (article 112) portait que la Charte des droits fondamentaux subirait toute limitation exigée par une atteinte portée aux « objectifs », c’est-à-dire, en clair, au principe de la concurrence libre et non faussée.
Enfin, Monsieur Mélenchon, dussè-je être taxé d’outrecuidance, j’ose vous conseiller de ne plus permettre, dans les débats ou apparitions à l'écran, que vous coupent la parole des gens qui attachent plus d’importance à leurs questions qu’à vos réponses, et qui veulent faire leur numéro.
Je vous salue bien cordialement.
Georges Apap, Béziers.

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