lundi 20 septembre 2010

Identité de classe.

Les mythes ont toujours suffi à meubler les lacunes des connaissances humaines. Ils ont aidé à croire que nous pouvions connaître l’inconnaissable et nous ont doucement conduits dans l’espace religieux. Jusqu’au moment où ils se sont pervertis en mystifications. Si les anciens proposaient à l’admiration des peuples les sirènes, centaures, cyclopes et autres monstres, si les écossais sont fiers de leur Loch Ness, quelles vaines et insignifiantes glorioles comparées à l’immense imposture qu’on nous a offerte, à nous Français, sous le nom d’ « identité nationale » !
Car voici qu’envahit le débat public un nuage inconsistant qu’on hésite à appeler idée, notion, concept ou autre dénomination abstraite, en face du vide absolu de toute définition, de toute description, de toute approche, si mince soit-elle, d’une réalité perceptible ou même d’un imaginaire compréhensible. Beaucoup s’y sont essayés pourtant avec passion, sans jamais réussir à convaincre ni à rassembler une opinion égarée.
On a assez expliqué par des nécessités électorales et des soucis politiques la génération spontanée de ce rien, pour que je m’abstienne d’y ajouter mon propre commentaire. Ce qui étonne cependant c’est le volume soudainement occupé dans la sphère intellectuelle par une controverse obscure entre bretteurs fougueux qui se contredisent dans l’indignation et la fureur. On a rarement vu déployer tant de dialectique de part et d’autre du néant.
Or, pendant que les commentateurs s’affrontent, les travailleurs, les exploités, les chômeurs, les sans domicile, les sans papiers, les sans droits, tous se reconnaissent dans l’interchangeabilité de leur condition et dans la précarité de leur sort. Tous savent bien qu’ils ne s’identifieront jamais à ceux qui les exploitent et qu’aucun patriotisme économique n’effacera leur opposition de classe. On a bien vu, au dernier congrès de la CGT comment apparaissait une solidarité de classe contestataire qui n’acceptera plus les compromissions d’un syndicalisme d’accompagnement, synonyme de collaboration de classe.
Une conscience s’éveille chez les travailleurs. Ils savent le peu qu’ils comptent dans la nation aux yeux de ceux qui veulent les délocaliser pour écraser les salaires. Ils se moquent de frontières qui ne les protègent pas, comme s’en moquent aussi ceux qui vont planquer dans des paradis fiscaux l’argent qu’ils n’ont pas gagné. Ce sont bien deux catégories sociales qui s’opposent, l’une dominant l’autre, dans une lutte des classes mondiale où la dictature de la bourgeoisie étend son empire sur les hommes, les choses et la planète.
La seule identité visible c’est l’appartenance à une classe. Elle n’a rien de national quand la nation se dilue dans des intérêts qui la dépassent et qui la nient.
On ne peut mieux illustrer ce qui précède que par la reproduction intégrale de la sinistre profession de foi du milliardaire américain Warren Buffett dans le « New York Times » du 26 novembre 2006 : « Il y a une guerre des classes, c’est vrai, mais c’est ma classe, celle des riches, qui mène cette guerre, et c’est nous qui la gagnerons ».
Ceux qui n’ont pas compris qu’il n’y a pas d’autre issue que la révolution, nous expliqueront comment ils vont échapper à cet écrabouillement de leurs espoirs, de leur avenir, de leur vie, à supposer qu’ils en aient forgé l’utopie.

Georges Apap, Béziers le 11 décembre 2009.
publié par "lo Camel" Janvier 2010.

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