Aujourd'hui 17 Mai 2010 rien n'a encore été décidé concernant le voile intégral, dit encore "burqa" ou "niqab" selon la fantaisie de celui ou celle qui croit savoir de quoi il ou elle parle. Saisi dit-on d'un projet de loi, le Parlement ne s'est pas encore prononcé. Or le Conseil d'Etat a fait déjà savoir par deux fois qu'il désapprouvait toute loi qui prétendrait interdire le port de cette tenue. Mais l'opinion publique lui est hostile. Les discussions privées comme les débats publics s'enflamment dans une réprobation commune, qu'on soit pour ou contre le vote d'une loi d'interdiction. Les uns et les autres dénoncent pèle-mêle une atteinte à la dignité de la femme, une entorse au principe de laïcité, une montée de l'intégrisme islamique, et il est même arrivé, dans le cadre de la mission d'enquête dirigée par le député Gérin, d'entendre un intervenant se scandaliser de l'atteinte que subit sa propre pudeur à la seule vue d'un voile...
On aura décidément tout entendu alors que ceux là même qui agitent ces belles idées reconnaissent unanimement, en invoquant l'autorité des responsables du culte musulman et même le sulfureux Tariq Ramadan, que le voile en question n'a aucun rapport avec l'Islam.
Peut-on aborder la question sous l'angle de la simple raison, en écartant du débat le bouillonnement des émotions et des préjugés, en examinant froidement les arguments des opposants pour les confronter à l'attitude souriante de cette infime minorité qui invoque la tolérance et le droit de se vêtir à sa guise ?
Admettons premièrement qu'il y a une certaine incohérence à soutenir que le vêtement en question porte atteinte à la laïcité ou qu'il est l'expression d'un intégrisme islamique, quand on proclame en même temps, avec la force de la conviction, qu'il n'a aucun caractère religieux.
Et comme on ne peut pas être plus islamique que les musulmans, qui répètent en choeur que le Coran ignore ce voile, reconnaissons qu'à l'évidence, il ne s'agit que d'une manière de s'habiller, conforme au goût de celle qui la choisit où à des moeurs qu'elle décide d'adopter.
Où est, là-dedans l'atteinte à la dignité de la femme quand on voit l'exhibitionnisme ambiant et la mise en scène de la nudité féminine ? Qu'on me comprenne bien : je suis pour les poitrines féminines dénudées sur les plages, pour les minijupes, pour les publicités qui affichent les corps dans le plus simple appareil, pour tout ce qui découvre l'anatomie de nos jeunes compagnes. Mais je ne vois pas ce qu'a d'indigne un voile qui recouvrirait leurs formes et je ne comprends pas pourquoi serait digne celle qui veut donner en spectacle ses charmes, et ne le serait pas celle qui préfère les dissimuler sous le vêtement qui lui plaît.
Je suis pour la liberté de choisir son accoutrement, pour le respect du goût des autres, pour la tolérance, et je sais bien que ceux qui prêchent la tolérance sont insupportables à ceux qui détiennent leur intransigeante vérité.
J'entends qu'on invoque l'Arabie Saoudite qui aurait interdit ce vêtement. Est-ce vraiment un argument ? Devrions nous aligner notre législation sur celle d'un pays connu pour son mépris affiché des droits de la personne ?
Ces nouveaux prohibitionnistes vivent une passion quasiment mystique qui explique les colères, les imprécations, les fausses indignations. Tout cela ressemble fort, même en dimension réduite, aux aveuglements qui accompagnent l'histoire des religions, les guerres, les assassinats, et cet obscurantisme ecclésial qui a conduit au bûcher tant d'hommes de science et de raison. On dira que je dramatise, mais que font ceux qui donnent à une question sans importance une démesure qui va jusqu'à une mission parlementaire suivie d'un projet de loi ? Voila la dramatisation qui agite inutilement l'opinion et dont certains disent qu'elle est artificiellement créée pour masquer les réalités d'une conjoncture inquiète.
On m'objecte d'ordinaire que celles qui portent le voile y sont contraintes par des époux qui les martyrisent. C'est là une question grave qui doit, elle aussi, être examinée dans l'objectivité la plus grande.
Que nous apprennent ces femmes lorsqu'elles sont interrogées par le procédé du micro-trottoir ? Elles sont, disent elles, absolument libres de leur choix vestimentaire et c'est de leur propre volonté qu'elles préfèrent porter le voile. Aucun reportage jusqu'ici n'a contredit ce propos, et l'on peut penser que l'anonymat sous lequel elles s'expriment cachées, leur permettrait de dénoncer, sinon celui qui les martyrise, au moins la pratique dont elles sont victimes. Cela n'a jamais été le cas jusqu'ici.
Pourtant il est vraisemblable qu'en effet certaines soient contraintes par quelque tyran domestique à ne sortir de chez elles que dissimulées. C'est là que la question se pose de savoir s'il faut qu'une loi les punissent parce qu'elles sont victimes du fanatisme conjugal. Un piège se referme sur elles avec une double mâchoire, celle d'un ordre public contestable, et celle d'un ordre familial odieux. On touche à l'absurde, alors que la raison commanderait qu'on protège la victime et qu'on recherche et punisse l'oppresseur, avec toutes les difficultés que comporterait une telle entreprise dans la quête d'une preuve. Telle devrait être la limite d'une loi spécifique, d'ailleurs inutile puisque le droit commun suffit à punir ces comportements.
Arrivé au terme de mon discours, voici que je me demande si je ne suis pas, comme ceux que je dénonce, victime de mes propres préjugés. Je dois expliquer ici que, né dans un petit port de la côte algérienne, j'ai parcouru l'Est et le centre de l'Algérie pendant les trente huit premières année de ma vie. On croira facilement, dans ces conditions, que j'ai rencontré, croisé ou aperçu beaucoup de femmes qui, dans la communauté musulmane, ne sortaient que voilées. J'ai connu toutes sortes de voiles, que là-bas on appelait "haïk", blancs à Alger, noirs à Constantine, de toutes formes, ornements, enjolivures, broderies, avec comme seul point commun qu'ils dissimulaient le corps et le visage, et même quelquefois ne laissaient apparaître qu'un seul oeil. On doit savoir que, dans ce pays, le voile était souvent porté avec grâce, et que certaines savaient l'accompagner d'une coquetterie de bon aloi. On comprendra dès lors pourquoi l'aspect d'une forme féminine voilée, loin de me choquer, évoque le souvenir d'un temps méconnu où celles que ce vêtement insupportait pouvaient s'en défaire sans drame.
C'est là mon préjugé. Il est rempli de sympathie pour ces femmes et s'accompagne du souci de préserver leur liberté de choisir leur vêtement, leur union conjugale et leur manière de vivre. Il s'accompagne aussi, du désir ardent de les voir un jour se dévoiler de leur plein gré.
Car, on devine bien que la pression de la modernité finira par gagner ces populations et que partout dans le monde le voile féminin tombera de lui-même. Ceux qu'incommode ce vêtement doivent se consoler dans l'attente que le temps fasse son oeuvre. Ils doivent comprendre que toute coercition entraîne une réaction de protestation qui prend bientôt la forme de la provocation, comme on le voit actuellement par la prolifération de cette nouvelle mode.
Il est d'observation très ancienne que la répression des conduites privées, dès lors qu'elles ne portent tort à personne, les exacerbe plutôt que de les éradiquer. Elle relève de cet emballement irraisonné de l'opinion, dont l'histoire nous offre maintes déplorables illustrations.
On aura décidément tout entendu alors que ceux là même qui agitent ces belles idées reconnaissent unanimement, en invoquant l'autorité des responsables du culte musulman et même le sulfureux Tariq Ramadan, que le voile en question n'a aucun rapport avec l'Islam.
Peut-on aborder la question sous l'angle de la simple raison, en écartant du débat le bouillonnement des émotions et des préjugés, en examinant froidement les arguments des opposants pour les confronter à l'attitude souriante de cette infime minorité qui invoque la tolérance et le droit de se vêtir à sa guise ?
Admettons premièrement qu'il y a une certaine incohérence à soutenir que le vêtement en question porte atteinte à la laïcité ou qu'il est l'expression d'un intégrisme islamique, quand on proclame en même temps, avec la force de la conviction, qu'il n'a aucun caractère religieux.
Et comme on ne peut pas être plus islamique que les musulmans, qui répètent en choeur que le Coran ignore ce voile, reconnaissons qu'à l'évidence, il ne s'agit que d'une manière de s'habiller, conforme au goût de celle qui la choisit où à des moeurs qu'elle décide d'adopter.
Où est, là-dedans l'atteinte à la dignité de la femme quand on voit l'exhibitionnisme ambiant et la mise en scène de la nudité féminine ? Qu'on me comprenne bien : je suis pour les poitrines féminines dénudées sur les plages, pour les minijupes, pour les publicités qui affichent les corps dans le plus simple appareil, pour tout ce qui découvre l'anatomie de nos jeunes compagnes. Mais je ne vois pas ce qu'a d'indigne un voile qui recouvrirait leurs formes et je ne comprends pas pourquoi serait digne celle qui veut donner en spectacle ses charmes, et ne le serait pas celle qui préfère les dissimuler sous le vêtement qui lui plaît.
Je suis pour la liberté de choisir son accoutrement, pour le respect du goût des autres, pour la tolérance, et je sais bien que ceux qui prêchent la tolérance sont insupportables à ceux qui détiennent leur intransigeante vérité.
J'entends qu'on invoque l'Arabie Saoudite qui aurait interdit ce vêtement. Est-ce vraiment un argument ? Devrions nous aligner notre législation sur celle d'un pays connu pour son mépris affiché des droits de la personne ?
Ces nouveaux prohibitionnistes vivent une passion quasiment mystique qui explique les colères, les imprécations, les fausses indignations. Tout cela ressemble fort, même en dimension réduite, aux aveuglements qui accompagnent l'histoire des religions, les guerres, les assassinats, et cet obscurantisme ecclésial qui a conduit au bûcher tant d'hommes de science et de raison. On dira que je dramatise, mais que font ceux qui donnent à une question sans importance une démesure qui va jusqu'à une mission parlementaire suivie d'un projet de loi ? Voila la dramatisation qui agite inutilement l'opinion et dont certains disent qu'elle est artificiellement créée pour masquer les réalités d'une conjoncture inquiète.
On m'objecte d'ordinaire que celles qui portent le voile y sont contraintes par des époux qui les martyrisent. C'est là une question grave qui doit, elle aussi, être examinée dans l'objectivité la plus grande.
Que nous apprennent ces femmes lorsqu'elles sont interrogées par le procédé du micro-trottoir ? Elles sont, disent elles, absolument libres de leur choix vestimentaire et c'est de leur propre volonté qu'elles préfèrent porter le voile. Aucun reportage jusqu'ici n'a contredit ce propos, et l'on peut penser que l'anonymat sous lequel elles s'expriment cachées, leur permettrait de dénoncer, sinon celui qui les martyrise, au moins la pratique dont elles sont victimes. Cela n'a jamais été le cas jusqu'ici.
Pourtant il est vraisemblable qu'en effet certaines soient contraintes par quelque tyran domestique à ne sortir de chez elles que dissimulées. C'est là que la question se pose de savoir s'il faut qu'une loi les punissent parce qu'elles sont victimes du fanatisme conjugal. Un piège se referme sur elles avec une double mâchoire, celle d'un ordre public contestable, et celle d'un ordre familial odieux. On touche à l'absurde, alors que la raison commanderait qu'on protège la victime et qu'on recherche et punisse l'oppresseur, avec toutes les difficultés que comporterait une telle entreprise dans la quête d'une preuve. Telle devrait être la limite d'une loi spécifique, d'ailleurs inutile puisque le droit commun suffit à punir ces comportements.
Arrivé au terme de mon discours, voici que je me demande si je ne suis pas, comme ceux que je dénonce, victime de mes propres préjugés. Je dois expliquer ici que, né dans un petit port de la côte algérienne, j'ai parcouru l'Est et le centre de l'Algérie pendant les trente huit premières année de ma vie. On croira facilement, dans ces conditions, que j'ai rencontré, croisé ou aperçu beaucoup de femmes qui, dans la communauté musulmane, ne sortaient que voilées. J'ai connu toutes sortes de voiles, que là-bas on appelait "haïk", blancs à Alger, noirs à Constantine, de toutes formes, ornements, enjolivures, broderies, avec comme seul point commun qu'ils dissimulaient le corps et le visage, et même quelquefois ne laissaient apparaître qu'un seul oeil. On doit savoir que, dans ce pays, le voile était souvent porté avec grâce, et que certaines savaient l'accompagner d'une coquetterie de bon aloi. On comprendra dès lors pourquoi l'aspect d'une forme féminine voilée, loin de me choquer, évoque le souvenir d'un temps méconnu où celles que ce vêtement insupportait pouvaient s'en défaire sans drame.
C'est là mon préjugé. Il est rempli de sympathie pour ces femmes et s'accompagne du souci de préserver leur liberté de choisir leur vêtement, leur union conjugale et leur manière de vivre. Il s'accompagne aussi, du désir ardent de les voir un jour se dévoiler de leur plein gré.
Car, on devine bien que la pression de la modernité finira par gagner ces populations et que partout dans le monde le voile féminin tombera de lui-même. Ceux qu'incommode ce vêtement doivent se consoler dans l'attente que le temps fasse son oeuvre. Ils doivent comprendre que toute coercition entraîne une réaction de protestation qui prend bientôt la forme de la provocation, comme on le voit actuellement par la prolifération de cette nouvelle mode.
Il est d'observation très ancienne que la répression des conduites privées, dès lors qu'elles ne portent tort à personne, les exacerbe plutôt que de les éradiquer. Elle relève de cet emballement irraisonné de l'opinion, dont l'histoire nous offre maintes déplorables illustrations.
2 commentaires:
sur le fond je ne me hasarderai pas à faire de commentaire, mais sur la forme bravo pour la réussite de ce premier article !
Lurabo11 (Michel)
Enfin un regard apaisé et apaisant sur le sujet..alors qu'on sait bien que légiférer sert à diviser. Quelle belle phrase :"partout dans le monde le voile féminin tombera de lui-même" !
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